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MOON, le Guétali spatial, revue culturelle de la Réunion
27 octobre 2011

Moon n°3 / Le Tact / Tête ma gondole !

 

 

VAINTETAGE

Vain tétage

 

Vu de la Lune, ce que les Terriens touchent de leurs lèvres semble parfois étrange. Avec le recul causé par leur exil, nos observateurs offrent une synthèse de ce que ces comportements leur inspire.

 

Du téton ...

 

Source de vie et siège d’une féminité pointée vers l’avenir, le bout du sein que triture les nouveaux-nés (et plus anciens) humains semble doté d’un secret essentiel qui transforme à jamais l’existence de certains. Que renferme donc ce minuscule bout de chair ? Probablement une drogue à forte dépendance, qui conditionne la bouche à téter sans fin. Le lait maternel est-il à consommer avec ou sans modération ? Toute leur vie, certains Hommes semblent à la recherche d’un substitut de la boisson originelle, celle capable d’assouvir la frustration issue de leur vaine condition. Boisson forte et anesthésiante, ou chaude et réconfortante, ce qui passe par la porte de la bouche entre dans un système tant biologique que psychique.    

 

... au mégot ...

 

Mais boire n’est pas téter. Et si la tétine convient aux bambins, elle est inconvenante aux adultes. La cigarette n’est bien-sûr qu’un subterfuge de la tétée. Empreinte d’une symbolique rebelle et séductrice, la petite tige fumante permet de se laisser aller à la tentation en public. Fumée lactée, happée par une bouche dévoreuse de mort. De la tétée nourricière à l’aspiration morbide, il n’y a qu’un pas, que les Hommes franchissent en rêvant d’être le nouveau Dorian Gray. La pourriture invisible inhalée avec un amour inexplicable, quasi-filial, remplace les vertus vitales du lait maternel. Le paradoxe humain éclate dans toute son absurde vanité, pour ensuite s’évaporer en fumée et mieux passer inaperçu, ni vu, ni connu.

 

... via le suçon.

 

D’autres vestiges de la tétée aiment à se dissimuler, comme porteurs d’une vérité scandaleuse. La trace d’un baiser de vampire dans le cou, moins nocive qu’une bouffée de nicotine, n’en témoigne pas moins du poids de l’héritage post-natal. Téter l’être aimé avec la même avidité que le téton de sa mère, c’est lui imprimer la trace de son désir dangereux mais délicieux. Marqué au fer rouge, l’élu entre dans le cercle fermé des intimes et détient un secret qu’il n’a pas le droit de partager. Évidemment, peu d’âmes respectent la valeur sacrée du suçon : en le dévoilant sans vergogne, ils s’exposent à la pire des damnations terrestres : le supplice de vulgarité.   

 

Pouces pourléchés, ongles rongés, pailles mastiquées, stylos rognés ... la liste des tétées travesties reste en chantier et le sens profond du téton un mystère éternel. C’est du moins la version officielle, qui permet aux Terriens égarés d’inventer leurs versions des faits. Interprétations psychanalytique, magique ou biologique, offrent à la bouche en succion une panoplie de costumes variés qu’elle enfile à sa guise, au gré de ses péripéties. Et si d’aventure, la langue s’en mêle, le pouvoir de suggestion s’en retrouve démultiplié ...  

 

Léa Szkaradek

 

 

 

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