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MOON, le Guétali spatial, revue culturelle de la Réunion
12 mai 2011

MOON n°2 / Goût et Odorat / Tout Terrien

Cuisine exotique

 

cuisinexotique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour nous autres, Luniens, les coutumes terriennes nous paraissent bien exotiques. Et c’est bien là la raison d’être de Moon : observer et tenter de comprendre cette drôle de planète. Mais que se cache-t-il au juste derrière la notion d’exotisme ? C’est ce que s’est demandé notre expert en cuisine exotique (je ne me porte pas garant de ses écrits, en revanche je peux assurer sa grande compétence en matière de poulet coco à la lunienne et de rougail saucisses astral)

 

Où est l’ailleurs ?

 

La gastronomie semble bien nous relier à Autrui, mais de quelle nature est cette relation, notamment lorsqu’on manie la notion d’exotisme ? En cuisine, et d’autant plus dans le contexte réunionnais, cette notion est utilisée à tort et à travers, il paraît donc indispensable de s’y arrêter.

 

Dans son article « Sous la toque » (Le mangeur. Menus, mots et maux. Dir. Fabrice Piault, Paris, Autrement, 1993), Jean-Claude Ribaut expose les caractéristiques de l’évolution de la cuisine des chefs au début des années 90. Selon lui, les chefs de l’époque cherchent à allier l’exotique au terroir. Ces deux notions interpellent, étant donné les spécificités du contexte réunionnais. En effet, comment délimiter l’exotique du terroir, dans un lieu fondé sur le métissage ? La cuisine réunionnaise a emprunté à l’Autre dès sa naissance en mélangeant les cultures au fond d’une marmite créole. Comment les chefs considèrent-ils les produits qu’ils travaillent ? Où situent-t-ils l’exotisme et le terroir ?

 

Pour J.-C. Ribaut, l’essence de la cuisine se situe dans l’authenticité du produit utilisé. Il fait l’éloge d’une « cuisine vérité » qu’il oppose à la Nouvelle cuisine dont les armes sont les épices, l’assemblage et les fioritures. Selon lui, « La gastronomie de demain continuera à véhiculer les coutumes du passé, les usages des régions, ceux des nations, mais en les adaptant – c’est le propre de tout art – à cet imprévisible qui fait sens. ».

 

« Homo Exoticus »

 

Jean-Pierre Hassoun et Anne Raulin, dans leur article  « Homo exoticus » (Mille et une bouches : cuisines et identités culturelles / dir. par Sophie Bessis, Paris : Autrement, 1995) analysent la notion d’exotisme. La racine du mot est grecque : « exo » signifie « dehors », d’où « exotikos » : étranger. En français, le mot est utilisé par Rabelais dans Pantagruel en 1548 : « Marchandises exoticques et peregrines, qui estoient par les halles du port ». Ce n’est qu’en 1762 que le mot « exotique » est admis par l’Académie française. Dans le Littré de 1878, il y est ainsi défini : « qui n’est pas naturel au pays ». La définition reste liée au lointain puis au colonial jusqu’au 20ème siècle. Selon Tzvetan Todorov, « la méconnaissance est incompatible avec l’exotisme, mais la méconnaissance est à son tour inconciliable avec l’éloge des autres ; or, c’est précisément ce que l’exotisme voudrait être, un éloge dans la méconnaissance. Tel est son paradoxe constitutif. » (Nous et les autres. La réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Le Seuil, coll. « La couleur des idées », 1989).

 

Aujourd’hui, avec la mondialisation, existe-t-il encore un ailleurs, une « distance » et un « mystère » ?

 

Léa Szkaradek

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